Crimes de guerre, crimes contre l’humanité au Yémen : faire cesser le scandale des transferts d’armes du gouvernement français

La situation :

Malgré la quasi absence d’information en France sur cette guerre occultée par de nombreux médias français, la situation ne fait qu’empirer pour la population yéménite. Mark Lowcock, ancien Secrétaire général adjoint des Nations Unies aux affaires humanitaires, parlait de millions de personnes au bord de la famine que la crise du Covid-19 ne fait qu’aggraver.

Les millions d’enfants yéménites vivent sous la menace permanente des groupes armés présents au conflit, dont Ansar Allah ,Yemen Armed Forces, Security Belt Forces et d’autres, comme le relève le secrétaire général des Nations Unies dans son rapport du 6 mai 2021. 11 millions d’enfants yéménites vivent dans une urgence humanitaire dont 2,3 millions d’enfants de moins de cinq ans qui devraient souffrir de malnutrition aiguë en 2021 

Quant au blocus, auquel participent notamment les frégates françaises des contrats Sawari I et Sawari II, la demande des Nations Unies de sa levée totale pour les ports yéménites sur la mer Rouge depuis 2017, est restée lettre morte ce qui en dit beaucoup sur la volonté politique des soutiens des pays de la coalition dont le gouvernement français. 

Ce que nous faisons :

L’association Action Sécurité Éthique Républicaines (ASER) dénonce depuis plus de 6 ans le scandale que représente la complicité du gouvernement français dans son aide auprès des pays de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis[1], en guerre au Yémen. En effet l’articles 16 de la commission du droit international des Nations Unies de décembre 2001 précise que :

« L’État qui aide ou assiste un autre État dans la commission du fait internationalement illicite par ce dernier est internationalement responsable pour avoir agi de la sorte dans le cas où :

a) Ledit État agit ainsi en connaissance des circonstances du fait internationalement illicite ; et

b) Le fait serait internationalement illicite s’il était commis par cet État. »

Or les transferts d’armes du gouvernement français vers la coalition dirigée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis – qui comprend notamment Bahreïn, l’Égypte et le Koweït et qui représentent plus de 15 milliards € de livraison, depuis 2005 en valeur déclarée[2]– constituent bien une aide dans la commission du fait internationalement illicite que sont les crimes de guerre au Yémen, rapports d’experts des Nations Unies et les crimes contre l’humanité dénoncés dans le rapport ASER 2020.

C’est pour arrêter ces transferts d’armes illégaux au regard des engagements internationaux de la France, dont le traité sur le commerce des armes (TCA), qu’ASER – suivie par l’Association des chrétiens contre la torture et rejointe par Action contre la faim, Médecins du Monde et Salam for Yémen – a rendu le 15 juillet dernier ses observations complémentaires, en réplique au mémoire en défense du gouvernement, auprès du Conseil d’État. Pour cela nous nous référons à l’article 6§2 du TCA qui indique que : « Aucun État partie ne doit autoriser le transfert d’armes classiques qui violerait ses obligations internationales », et l’article 6§3 : « Aucun État partie ne doit autoriser le transfert d’armes classiques s’il a connaissance, au moment où l’autorisation est demandée, que ces armes ou ces biens pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l’humanité, des violations graves des Conventions de Genève de 1949, des attaques dirigées contre des civils ou des biens de caractère civil et protégés comme tels, ou d’autres crimes de guerre tels que définis par des accords internationaux auxquels il est partie ».


Ce que nous attendons du Conseil d’État :

  • Qu’il permette à la justice de s’exprimer sur un sujet qui concerne directement les citoyen·ne.s français·e.s 
  • Qu’il fasse appliquer l’article 55 de la Constitution française qui dispose que « les lois des traités ont une autorité supérieure à celle des lois » nationales. 
  • Qu’il fasse respecter l’esprit du préambule du TCA affirme que les ONG « peuvent contribuer activement, de leur propre initiative, à faire connaître l’objet et le but du présent Traité et concourir à leur réalisation ».

D’abord parce que les groupes responsables d’actes de terrorisme comme Al Qaïda en péninsule arabique, de l’assassinat des journalistes de Charlie Hebdo, se sont renforcés avec la guerre grâce aux armes fournies par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. 

Ensuite parce que comme la juge des référés l’avait fort justement noté dans son ordonnance du 7 février 2020 il y a bien un lien entre les transferts d’armes autorisés par le gouvernement français et « la souffrance de la population yéménite ».

Hugues Leenhardt, membre ASER

Benoît Muracciole, Président ASER


[1] Les EAU se sont officiellement retiré du Yémen depuis 2019 mais ils occupent des iles de Mayun et Socotra et continuent de soutenir de nombreux groupes armés non étatiques.

[2] Qui ne tient pas compte qu’environ un tiers des matériels de guerre sont importés, ni des procédés Offsets, ni de l’absence de règlement pas l’État récipiendaire comme les rafales et Mistral pour l’Égypte (selon nos dernières informations).

ASER est membre du Réseau d’Action International sur les Armes Légères (RAIAL). ASER est accréditée aux Nations Unies.

Pour d’autres articles sur ces questions, consulter le blog : Armer Désarmer