MILIPOL 2017: un manque constant dans le contrôle de la promotion et de la vente de matériel militaire de sécurité et de police

Quelques semaines après le MILIPOL de Paris qui s’est déroulé du 21 au 24 novembre 2017, les chiffres publiés par la direction du salon pourraient faire croire à un franc succès. En terme quantitatif l’affluence à ce salon est en effet importante. Selon les chiffres publiés par MILIPOL il y a une augmentation de 36 % des visiteurs par rapport aux chiffres de 2015 et la présence de 1050 exposants. Mais ces chiffres ne doivent pas faire oublier qu’il ne s’agit pas ici d’un salon de prêt à porter mais d’armes. En l’occurrence des matériels militaires, de sécurité et de police (MSP) qui pourraient être utilisés à de graves violations des droits de l’Homme jusqu’aux crimes contre l’humanité, voire aux génocides.

C’est pour cela qu’Action Sécurité Ethique Républicaines (ASER), qui travaille sur le contrôle du commerce des MSP depuis de nombreuses années, avait alerté les autorités françaises dans un rapport publié en avril 2017: « Ventes de matériels de sécurité et de police hors Union européenne ». Nous relevions l’extrême faiblesse en France dans le contrôle de la vente d’un certain nombre de ces matériels ainsi que dans celui de la promotion de matériels interdits par le règlement (CE) n° 1236/2005 du Conseil de l’Union européenne. Ce règlement concerne le commerce de certains biens susceptibles d’être utilisés en vue d’infliger la peine capitale, la torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Notre dernière alerte, communiqué de presse le 19 novembre 2017, soulignait à nouveau ce risque en reprécisant le cadre du règlement qui s’impose aux Etats membres de l’UE dans sa révision de 2016 qui :

« interdit la promotion de ces biens lors des salons et expositions professionnels au sein de l’Union, ainsi que la vente ou l’achat, à des fins de publicité de tels biens, d’espaces publicitaires dans la presse ou sur l’internet ou de temps d’antenne publicitaire à la télévision ou à la radio. »

Or le dernier constat d’ASER sur ce salon MILIPOL est pour le moins partagé. Nous notons avec satisfaction l’absence de sociétés que nous avions signalées lors du MILIPOL 2015 et qui contrevenaient au règlement du Conseil. Nous ne savons cependant pas s’il s’agit d’une décision des autorités ou simplement si ces sociétés ont décidé de leur fait de ne pas participer au salon. La transparence dans ce type de décision serait utile à tous et aurait aussi un effet pédagogique pour les entreprises aux usages répréhensibles.

Ensuite, comme l’a aussi noté Amnesty International, il y a encore des sociétés qui vendent ou font la promotion de matériels interdits par la dernière révision du règlement du Conseil. D’autres sociétés proposent à la vente des matériels qui nécessitent des licences d’importation et d’exportations, comme les chaines aux pieds inscrits dans l’annexe III du règlement du Conseil et qui ne connaissent pas les réglementations existantes. Pour ce type de matériel, nous avons obtenu l’accord oral de sociétés, dont une israélienne, qui acceptent de les livrer en France sans passer par la demande de licence… Ces entreprises ne sont pas forcément productrices, et leurs agissements soulignent l’absence de loi sur le courtage en armes. Cela est vrai à la fois dans le règlement du Conseil, mais aussi sur le plan national. La France, Etat partie au traité sur le commerce des armes (TCA), n’a toujours pas de loi réglementant les intermédiaires en armes, et ce malgré les nombreuses promesses de tous les gouvernements français qui se sont succédé depuis 2001.

Enfin la présence de sociétés qui ont une pratique selon nous parfois contraire à l’article 7 du TCA, mais qui obtiennent des autorisations d’exportations par les autorités françaises, rappelle une politique française des exportations d’armes peu soucieuse du respect du droit international relatif aux droits de l’Homme et au droit international humanitaire. Il en est ainsi notamment pour l’entreprise Nexa Technologies, spécialiste de la vente de matériel d’espionnage. Celle-ci s’est distinguée par le rachat du logiciel Eagle d’Amesys pourvoyeur de ce type de matériel auprès du colonel Kadhafi en Lybie et plus récemment du général Al Sissi, le président égyptien. Il est a noté que le Parquet de Paris vient d’ouvrir une information judiciaire pour « complicité d’actes de torture et disparitions forcées » suite à une plaine de la Ligue des droits de l’Homme et de la FIDH contre cette société[1]. Nous rappelons que ces matériels MSP vendus ont déjà été utilisés dans de graves violations des droits de l’Homme et des crimes contre l’humanité. Egalement présente la société Alsetex produit des matériels de maintien de l’ordre qui ont été utilisés dans de graves violations des droits de l’Homme au Bahreïn. Comme l’écrit de sa prison Nabeel Rajab, le président du Bahrain Center for Human Rights :

« C’est un signe politique fort de voir que le régime bahreïni continue de commettre des atrocités et qu’il continue de recevoir un soutien des Etats Unis par la vente d’armes… ».

Il y a là une inadéquation qu’il serait temps pour le gouvernement français de résoudre, non pas en faisant la leçon sur les droits de l’Homme mais en les appliquant dans leur politique d’exportation d’armes.

Benoît Muracciole, Président ASER auteur de « Quelles frontières pour les armes » édition A Pedone

Pour d’autres articles sur ces questions, consulter le blog :Armer Désarmer

ASER est membre du Réseau d’Action International sur les Armes Légères (RAIAL). ASER est accréditée aux Nations Unies.

[1] Article Télérama du 22 décembre 2017, Olivier Tesquet : http://www.telerama.fr/monde/vente-de-materiel-de-surveillance-a-legypte-le-parquet-de-paris-ouvre-une-information-judiciaire,n5413292.php#xtor=EPR-126